Mingus work in progress (le diable est dans les détails...)

Evaluons tout d' abord l' envergure de Charlie Mingus :
Ecoutons, sur Ah Um, " Self portrait in 3 colors".

Ceci pour démontrer que le bouillant et dionysiaque Charles Mingus peut faire aussi apollinien que n' importe qui.Non content d' être un grand contrebassiste, il sait aussi composer et arranger mieux que n' importe qui.

Un autre exemple ? Ecoutez la musique que Mingus avait écrit à la demande de John Cassavettes pour son premier film.

Je croyais tout connaitre de l'année 1959 de Charles Mingus et il y a peu j' ai découvert Strollin'.
Comme souvent avec Mingus, il en existe plusieurs versions, dont la comparaison révèle le
processus d' élaboration permanent , le work in progress.
Un premier jet est un blues musclé,en public, instrumental en quintette, sur Mingus wonderland, janvier 1959, qui s' apelle "Nostalgia in Times Square".


Revenons à Strollin ; l' ambiance est totalement différente.
Version plus élaborée et même sophistiquée, merveilleusement interprétée, avec chanteuse.
( nous sommes clairement dans la filiation d' Ellington : Sophisticated lady & co...)
strollin' sur Mingus Dinasty
Mingus a ajouté une longue intro ambitieuse,improbable et réussie, et un beau texte.Après 0:56,
on retrouve le blues, ralenti, mieux arrangé et enrichi, très bien chanté.Je suppose que la chanteuse est Lorraine Cousins qu'on retrouvera quelques mois plus tard sur Mingus revisited ; son chant est excellent car elle sait se placer très légèrement en retard sur les cuivres, ce qui redouble l' effet swing...
Joué plus lentement, il permet de mieux apprécier les qualités de Mingus arrangeur, avec ses contrechants toujours magnifiques....et o chance, bien enregistré pour l' époque....
The best extra is perhaps the Mingus crew backing vocalist Honey "Honi" Gordon on "Strollin' (Nostalgia in Times Square)" during the recording of Dynasty. The track wasn't used and in fact went unheard for two-plus decades, but Gordon and Mingus occasionally unpacked it live. In any case, one can only hope that when Mingus finally flipped the calendar past the greatest year in jazz, dude hit the mattress for a well-deserved nap. (www.mingusmingusmingus.com) 

Etonnant comme entre 1955 et 1964, Mingus aligne les chefs d'oeuvre, sans panne d' inspiration, que ce soit au niveau composition ( "pithecanthropus erectus", "self portrait in 3 colors", "goodbye pork pie hat", "fables of faubus", "strollin" , "reincarnation of a lovebird" ,"jump monk"...) arrangements ou interprétations géniales ( "stormy weather" avec Dolphy et un trompettiste sur l'album MDM qui contient également "vassarlean" sublime nouvelle version de "weird nightmare" avec le magnifique chorus de Lonnie Hyllier à la trompette ), et , nouveauté rareté en jazz , des bouts chantés, des textes, qui témoignent de ce que signifiait être noir aux U.S vers 1960, voici Fables of Faubus

extrait avec paroles sous titrées      ou   version intégrale.



( "freedom", ou "fables of faubus" dont une version sous-titrée sur you-tube , joliment reprise par Nougaro "Harlem"....) qui élargissent encore la portée de sa musique....
Freedom.


Le génie de Mingus contamine son entourage sur la plupart de ces enregistrements ( quand le bouillant Charles ne boxe pas son tromboniste Jimmy Knepper au point de lui casser la machoire )
et passe encore à la vitesse supérieure quand il joue avec Eric Dolphy, autre authentique prophète de cette époque si fertile.....écouter l' extraordinaire charles Mingus presents charle Mingus, candid 1960....
On ne peut estimer son envergure que par comparaison : le Mingus big band actuel  comprend des musiciens chevronnés, qui ont fait voeu de servir la musique du maitre.


Big Band brillant et respectable certes, mais  il est troublant de constater à quel point les versions originales de Mingus sont régulièrement supérieures....Ca me rappelle un peu les matchs d' échecs Deep blue contre Kasparov : une technique actuelle supérieure, mais au prix de l'innocence et de la créativité originelles,perdues.
La plupart des rockers musiciens cultivés convergent en fin de carrière vers Mingus, que ce soit l' ex guitariste de Police Andy Summers, auteur d' un album intégralement constitué de bonnes reprises de Mingus, Elvis Costello ou même les vieux Stones Keith Richards et Charlie Watts, qui ne cachent pas leur admiration pour Mingus....
                 the underdog will triumph, at last.....   à suivre....

le disque Mingus dinasty est discuté ici.